Apr 14
Les Pélasges et leurs descendants : albanais, aroumains, etc.
Voici une excellente émission sur la Radio-Télévision Suisse à propos du site antique Apollonia, situé près de Fier, Fearica en aroumain. Son titre, tout un programme : « L’Archéologie, science des identités plurielle ». Elle a été préparée par Louis Seiller, et les Aroumains pourraient trouver quelques points communs avec les Albanais à propos du mythe autochtone notamment…
« La globalisation d’aujourd’hui nous fait comprendre les identités multiples de l’Antiquité », fait remarquer l’archéologue Saimir Shpuza qui explique très bien les effets délétères de l’isolement dans lequel a vécu l’Albanie à l’époque de Enver Hoxha, mais aussi, sous des formes moins brutales, d’autres Etats de la région pourrait-on ajouter. Cet isolement cantonne la réflexion dans un cadre limité, empêche par exemple de voir que les frontières sont un phénomène récent qui n’a pas de sens sur la longue durée.
Présent pour les fouilles à Apollonia, près de Fier (Fearica) depuis 1992, l’archéologue François Quantin rend hommage au début de l’émission à l’ « identité heureuse » du temps de la splendeur du site. « Identité pacifiée, stratifiée qui accepte naturellement d’être composite, plurielle », poursuit-il, en allant peut-être un peu trop loin : la « pacification » en ce temps ne devait pas faire que des heureux !
En guise de conclusion de l’émission, François Quantin déclare notamment : « Je crois pas trop à la théorie des racines , la recherche des origines est vaine, parce qu’on n’en a jamais fini, parce que la notion d’origine n’a pas de sens dans le temps historique. (…)
Puis il formule une mise en garde qui me semble salutaire :
« Les racines vont avec le nationalisme par le biais de ce mythe autochtonique, qu’un certain nombre d’Albanais développent avec le mythe pélasgique, ce mythe contemporain au fond, mais qui repose sur un mythe ancien, une sorte de population panbalkanique, voire aussi italienne, qui aurait précédé l’ensemble des cultures méditerranéennes dans ces régions et les Albanais seraient l’un des rares peuples à remonter en ligne directe à cette population, à ce peuple. »
Les Aroumains qui s’aventurent à la manière de leurs voisins albanais sur ce terrain en se présentant par exemple comme des descendants directs et uniques si possible des Macédoniens de l’Antiquité auraient beaucoup à gagner en écoutant l’archéologue français…
Vous pouvez écouter l’émission ici :
PS : François Quantin est notamment l’auteur de Chimères autochtones : le malentendu identitaire en Méditerranée, Paris, Karthala, 2020, 120 p.