Mar 18
Contenciosul aromânilor : postfaţa ediţiei a 2a a cărţii despre Aromâni în limba franceză
Publicată iniţial la editura Acratie în 2005, cartea, odată epuizată, a făcut obiectul unei noi ediţii completate cu o postfaţă intitulată “Contenciosul aromânilor”, la Non Lieu, Paris, 2013. În această postfaţă, care a apărut cu un an după traducerea în română, autorul rezumă principalele tendinţe care apăruseră în anii care au urmat primei ediţii. Iat-o, în franceză :
La première édition de ce livre était déjà sous presse, quand les 525 délégués réunis en assemblée générale à Bucarest, le 16 avril 2005, adoptaient à l’unanimité la décision de demander le statut de minorité nationale pour les Aroumains vivant en Roumanie[1]. « Au début de son existence comme Etat national, la Roumanie a constitué un soutien pour les Aroumains dans des formes qui sont aujourd’hui dépassées. La stratégie de survie de nos aïeuls qui, à la fin du XIXe siècle, sacrifiaient leur propre identité pour trouver de puissants protecteurs, était dictée par le contexte de l’époque. Notre stratégie pour la sauvegarde et l’essor de la langue et de la culture aroumaines repose sur l’affirmation de notre propre identité et sur la participation au concert multiculturel européen et universel », stipulait le document intitulé Vrearea armãnjilor [La volonté des Aroumains] déposé auprès des autorités par la Communauté des Aroumains de Roumanie au nom des filiales régionales qu’elle fédérait[2].
Les protestations publiques contre cette décision allaient se poursuivre de plus belle alors que les positions défendues par la Communauté n’étaient pratiquement pas relayées par les médias, sinon de manière caricaturale, ce qui ne semblait guère impressionner les promoteurs de l’initiative, à commencer par le député Costica Canacheu qui avait joué un rôle déterminant dans la « transformation » politique de la dynamique aroumaine des dernières années. A la surprise générale, c’est bel et bien parce qu’ils ne sont pas autochtones – autrement dit parce qu’ils l’étaient dans les pays qu’ils ont quittés pour venir en Roumanie – que des Aroumains se posent désormais en minorité nationale : « Nous considérons que les Aroumains ne constituent pas une partie intégrante du peuple roumain. Nous vivons depuis quatre-vingts ans sur ce territoire et nous nous sommes toujours comportés comme une véritable ethnie. Nous sommes la troisième minorité nationale, après les Hongrois et les Roms. Nous entendons conserver notre identité et notre patrimoine culturel », déclarait le vice-président de la Communauté, Rida Dumitru, à l’agence Rompres le 9 juin 2005.
La confrontation entre partisans et adversaires déclarés du statut de minorité nationale allait d’ailleurs tourner nettement à l’avantage des premiers à l’occasion des deux manifestations parallèles organisées dans le cadre des XIIes Journées de la culture aroumaine à Constanta du 26 au 28 août 2005[3]. Cette rencontre a contribué à radicaliser les positions des seconds. Les auteurs d’une diatribe publiée dans un quotidien de Constanta contre les « actions antinationales et anhistoriques (…) des représentants de la soi-disant communauté aroumaine », ces « roublards » motivés par « des intérêts explicitement pécuniaires », n’hésitent pas à s’insurger contre leurs prétentions de « remplacer dans les écoles la langue roumaine littéraire par leur “langue maternelle” ». Dans le même temps, tout en se félicitant du fait que les médias les ignorent, ils s’inquiètent de l’intérêt que pourrait leur accorder le « trop tolérant » État roumain[4] .
« Les chiens aboient, la caravane passe », pouvait-on être tenté de conclure à la fin de cette année 2005 riche en rebondissements. Mais pour aller où ? Afin d’amorcer une réponse à cette question il faut remonter au tout début de la même année, à une session riche en rebondissements qui s’est tenue à l’Académie roumaine le 28 janvier ; ensuite nous pourrons prendre la mesure de la contre-offensive qui s’intensifia pendant les années qui ont suivi aboutissant à un repli nationaliste d’une partie des partisans du renouveau aroumain qui, à son tour, a contribué à l’isolement du mouvement.
Huis clos tumultueux à l’Académie
La séance consacrée par l’Académie roumaine à « L’aroumain et les Aroumains aujourd’hui » se présentait comme une tentative de statuer une fois pour toutes, preuves scientifiques à l’appui, sur la position des Aroumains par rapport aux Roumains. Elle a surtout signifié la difficulté, sinon l’impossibilité, d’un débat serein sur ce sujet parmi les Aroumains, sous le regard interloqué des Roumains qui peinaient à les suivre, y compris en raison du caractère plus que problématique de l’intercompréhension entre les deux langues.
Le discours d’ouverture, prononcé sur un ton décontracté par le président de l’Académie, le critique et historien de la littérature Eugen Simion, reflétait bien la perception courante des « Macédoniens » dans le pays. Il fait notamment état de sa surprise devant les quelque 400 à 500 participants à un mariage aroumain à Paris au début des années 1970 discutant entre eux dans une langue dont il ne comprenait qu’un mot par-ci, par-là. Cependant, en rendant hommage à « cette puissante famille de la romanité et de la roumanité », il parla de « dialecte » avant de dresser un portrait d’ensemble plus contrasté : pour « l’imaginaire collectif [roumain], l’Aroumain, ce frère méridional, est rentré chez lui tel le fils prodigue, un retour plutôt contraint entre nous soit dit. Il déblatère contre tous ou, comment le dire, il a une langue de vipère. Mieux vaut donc ne pas le contrarier et, si on le fait, il faut s’attendre à une brouille pour la vie ».
Matilda Caragiu Marioteanu était l’invitée de marque de la séance. Polémique à souhait, loin de la rigueur et de la précision dont cette linguiste témoigne dans ses écrits, elle illustra jusqu’à la caricature le stéréotype avancé par le président de l’institution dont elle venait d’être nommée en tout début de séance membre à part entière. Elle mit au cœur de son intervention la défense et illustration du Dodécalogue des Aroumains, son « credo scientifique »[5]. Elle s’insurgea notamment contre l’interprétation erronée à ses yeux de la première « vérité incontestable » dont l’intitulé est le suivant : « Les Aroumains (Macédo-Valaques) et leur langue maternelle existent aujourd’hui et depuis deux mille ans ». Cette formule lui avait valu dans la presse l’accusation de « partager des opinions antiroumaines » et de « soutenir que les Aroumains sont un autre peuple néo-latin, qui parle une autre langue que le roumain ». Ces accusations, qui émanaient d’auteurs aroumains d’ailleurs, étaient faciles à réfuter. Elles ont été partiellement rapportées, dans des termes plus pondérés, par un auteur, non aroumain cette fois, Zigu Ornea, éditorialiste à l’hebdomadaire qui avait publié le Dodécalogue en 1993 ; son article, intitulé « Le contentieux des Aroumains », se faisait l’écho de ces dissensions et pointait la position ambiguë de la linguiste sur la question langue/dialecte[6]. C’est à cet auteur en particulier que M. Caragiu Marioteanu s’en prenait en rappelant sa position qui peut être résumée comme suit : oui, l’aroumain est la langue maternelle des Aroumains, mais cela ne veut pas dire que l’aroumain est une langue différente du roumain parce que le roumain est la langue littéraire des Aroumains. L’aroumain comme le daco-roumain sont deux « hypostases » (variantes) d’une même langue, le proto-roumain ou le roumain commun, ou ancien, issu du latin populaire, qui a connu une scission lors de l’arrivée massive des Slaves dans le Sud-Est européen. Cette théorie, qui fait le consensus parmi les linguistes roumains, est fondée sur une hypothèse cohérente mais qui ne change rien au fait que les deux variantes ont évolué séparément pendant le dernier millénaire. Qu’il n’y ait pas une langue littéraire, standard, aroumaine, comme il y en a une pour le roumain est facile à expliquer d’ailleurs ; considérer que le roumain est la langue littéraire des Aroumains en est une autre. Elle l’est nécessairement en Roumanie mais pas dans les autres pays où vivent les Aroumains. À force d’éviter cette problématique, la position de Matilda Caragiu Marioteanu est peu convaincante et se prête inévitablement au malentendu. Sa tentative pour le dissiper fut encore moins convaincante lors de cette session. Elle retourna, avec une extrême violence contre les membres de la communauté favorables d’une manière ou d’une autre à une affirmation autonome des Aroumains, les accusations que l’on avait proférées à son encontre et qu’elle venait d’évoquer. « Une véritable hystérie s’est emparée du monde aroumain. On dirait que les esprits ont été intoxiqués… », affirma-t-elle en désignant nommément comme responsables les acteurs, toutes tendances confondues, du renouveau aroumain de ces dernières décennies et en précisant : « mais moi, je suis une scientifique, je sers la vérité, je ne fais que décrire et je n’impose rien à personne »[7]. L’argument d’autorité, cependant, ne pouvait pas convaincre l’auditoire, composé en majorité d’Aroumains, peu habitués pour la plupart aux sessions académiques mais bien décidés à se faire entendre. En aroumain. La rupture était consommée[8].
L’intervention de Matilda Caragiu Marioteanu s’intitulait « Une crise identitaire aroumaine ». Quelques jours plus tard, Mariana Bara, également linguiste, faisait circuler sur le Forum Armanamea un texte ayant pour titre « Une crise de l’identité ou de la description des Aroumains ? » La réponse à la question ainsi formulée est sans équivoque : la crise d’identité des Aroumains est due à l’inadéquation entre le discours officiel et les réalités aroumaines telles qu’on peut les observer de nos jours en Roumanie et dans les Balkans. Cette crise est minimisée, associée à une psychose ou hystérie par imitation, à l’Académie comme dans les médias roumains, parce que l’on se refuse à procéder à la réévaluation critique d’un discours forgé au XIXe siècle, avec les critères du XIXe siècle et presque exclusivement en Roumanie. Or il suffit de consulter les sources et les analyses historiques, linguistiques et anthropologiques autres que roumaines disponibles sur le sujet pour obtenir une tout autre présentation et interprétation des réalités aroumaines dans les Balkans[9]. Pour la première fois en Roumanie, une intellectuelle roumaine d’origine aroumaine remettait en cause sans ménagement la légende nationale roumaine. Mais ceci n’empêcha pas les défenseurs par conviction, passion ou intérêt de cette légende de tenir le haut du pavé pendant les années suivantes et d’agir avec une redoutable efficacité.
La contre-offensive depuis 2005
Cet épisode ne donne qu’un avant-goût du divorce entre les partisans et activistes du renouveau aroumain et « leur » élite, à savoir tous ceux, linguistes, historiens ou politiques qui, ayant acquis en Roumanie une certaine notoriété associée à leur ascendance aroumaine, étaient appelés à décider, critères scientifiques à l’appui, s’ils parlent ou non une langue à part et s’ils constituent ou non un peuple à part. Sans doute, la critique tous azimuts, les sommations aux accents plébéiens, les interpellations intempestives, l’amateurisme de certaines théories fantaisistes, les initiatives précipitées et autres exagérations qui caractérisent la dynamique aroumaine actuelle sont pour quelque chose dans ce divorce mais il s’agit pour l’essentiel d’une tendance lourde. L’éventail des positions de ceux qui critiquent le nouveau cours national des Aroumains et des arguments qu’ils avancent est large. Les signataires de la diatribe citée plus haut enseignent à l’Universioté de Constanta, sont historiens et auteurs de travaux d’érudition sur les Aroumains[10]. En défendant des thèses qui relèvent d’un nationalisme agressif, souvent passé par le moule communiste de l’époque de Ceausescu, ils constituent plutôt une exception. Tout autre est par exemple la position critique défendue par un historien comme N. S. Tanasoca qui, à l’instar de bien d’autres auteurs d’origine aroumaine, se garde bien de considérer comme roumains les Aroumains de Grèce ou d’Albanie, ce qui ne l’empêche pas de faire partie de la Société de culture macédoroumaine, réactivée après la chute du communisme, dont certaines actions sont dirigées vers les « Roumains de l’étranger ». Son scepticisme en la matière, affiché avec un certain cynisme, est constant depuis plus de vingt ans, alors qu’un linguiste non moins réputé comme N. Saramandu a longtemps été engagé dans le mouvement culturel aroumain, en participant aux congrès de Fribourg, à celui de Bitola concernant la standardisation ou en organisant la formation des jeunes journalistes pour l’émission en aroumain de Radio Romania International avant de prendre position publiquement, dans des termes assez hésitants d’ailleurs, à propos de la proximité du roumain et de l’aroumain. En règle générale, le paysage intellectuel roumain, surtout universitaire, tend à se rapprocher de la situation qui prévaut en Grèce : les spécialistes, pour la plupart d’origine aroumaine, sont toujours plus nombreux à se sentir obligés de monter au créneau pour dénoncer les écarts de ceux qui chercheraient à mettre en question les liens privilégiés qui unissent les Aroumains aux Roumains. Comme en Grèce, ceci est moins vrai pour les jeunes générations formées à l’école occidentale.
La demande officielle du statut de minorité marquera un tournant et inaugurera une crise sans précédent en Roumanie à la fois au sein de la communauté aroumaine, divisée selon la position adoptée sur le plan national et dans les rapports entre ses différentes composantes avec l’Etat et la nation roumaine. Cette crise, alimentée par le conflit qui oppose les pourfendeurs aux défenseurs du roumanisme, n’est pas sans rappeler celle opposant à la fin du XIXe siècle les nouveaux émules du parti roumain à ceux qui étaient restés fidèles à l’hellénisme. Cependant, ni le contexte ni l’enjeu ne sont les mêmes.
L’exception roumaine
Les Aroumains de Roumanie occupent aujourd’hui une place à part dans l’ensemble aroumain des Balkans et leur comportement sur le plan national joue un rôle clef pour l’orientation de cet ensemble. Issus pour la plupart, mais pas tous, de ceux qui dans les nouveaux Etats balkaniques ont répondu à l’appel de l’Etat roumain pour participer à la colonisation des deux départements acquis dans la Dobroudja aux dépens de la Bulgarie, ils ont mieux gardé la langue et conservé la conscience de leur particularisme que ceux restés sur place, soumis à de fortes pressions assimilatrices dès la mise en place des nouveaux Etats nations. Cette courte cohabitation dans le Quadrilataire à partir de 1926 allait souder les liens traditionnels, en créer d’autres, que les déplacements forcés après 1940 ont renforcés à leur façon[11]. L’un dans l’autre, le contexte historique et politique roumain leur a été, tout au moins au début, plus favorable pour diverses raisons, à commencer par le fait qu’ils n’étaient pas perçus comme un danger du point de vue national pour leur nouvelle patrie, comme cela avait été le cas dans leurs anciennes patries. Bien au contraire, les Aroumains apparaissaient comme un plus, en raison de l’éloignement de leurs zones d’habitation d’origine comme de leur appartenance à une aire culturelle distincte, ce qui ne pouvait que flatter l’orgueil de la jeune nation roumaine. Tant le passé récent (la saga des écoles roumaines dans les Balkans, une des rares entreprises offensives de l’Etat roumain à l’étranger, aiguillonné par la très influente Société de culture macédoroumaine), que le lâchage de fait et de droit de l’élément aroumain lors de la paix de Bucarest en 1913, de même que la réussite dans divers domaines des nouveaux venus conféraient aux Aroumains une posture à la fois de martyrs et de héros et une place quelque peu privilégiée, en apparence tout au moins. Entre la fin des guerres balkaniques et l’arrivée des communistes au pouvoir, le sort des Aroumains dans les Balkans est resté en suspens. Maints écrivains, érudits et politiques aroumains, dont certains avaient travaillé pour le compte du ministère de l’Education nationale roumain en Turquie d’Europe, le déploraient publiquement, mais sans jamais émettre une critique envers l’Etat roumain pour le rôle ambigu qu’il avait joué auparavant et pour le rôle protecteur qu’il prétendait jouer encore. Si elle mettait en veilleuse la question aroumaine, cette attitude prudente avait l’avantage d’entretenir la flamme, de permettre la consolidation de certains acquis culturels spécifiques dont bénéficieront également les Aroumains vivant dans les autres pays. Cela étant dit, les Aroumains qui pouvaient être enclins à manifester leur reconnaissance envers l’Etat roumain pour les positions qu’ils ont acquises dans ce pays grâce surtout à leur travail et à leur obstination ne tarderont pas à connaître le revers de la médaille lors de la cession du Quadrilatère en 1940 et des déportations organisées par les communistes au lendemain de leur arrivée au pouvoir. Eux et leurs descendants s’en rappelleront après 1990, une fois que quand les langues se délieraient. Curieusement, sous le régime communiste, les études aroumaines connaîtront un essor certain, même si politiquement la question aroumaine restait taboue. Sans ces acquis accumulés pendant la période de traversée du désert (1913-1989), on ne parlerait pas de la même façon des Aroumains de nos jours, peut-être même qu’on n’en parlerait plus du tout autrement qu’au passé.
Autant dire que l’idée de demande d’un statut de minorité bousculait de fond en comble une situation somme toute confortable. Pris de court au départ, tout au long des années 1990, ceux qui étaient hostiles à une telle évolution, ou tout simplement réticents, par réflexe conservateur ou par méfiance devant les conséquences d’une aventure qui mettaient en danger leurs propres intérêts ou convictions allaient réagir au fur et à mesure que l’échéance approchait.
L’enjeu d’une telle demande ne se limite pas à la désignation d’office d’un député représentant aroumain au Parlement, à l’octroi de subventions annuelles et de quelques strapontins dans les institutions prévus par la Constitution roumaine. D’une part, un tel statut permettrait à bien des Aroumains encore hésitants, y compris par crainte de menaces et de représailles, de se déterminer en toute conscience après tant de décennies d’endoctrinement nationaliste roumain. D’autre part, il empêcherait l’Etat roumain de poursuivre une politique étrangère dans les Balkans s’inspirant de scénarios fantaisistes voués à l’échec et préjudiciables aux intérêts de ceux qu’il prétend aider. La reconnaissance par la Roumanie d’une entité à part aroumaine couperait court aux arguments nationalistes grecs qui voyaient dans ceux qui ne se reconnaissaient pas dans la catégorie « Hellènes grécophones » des agents de la propagande roumaine et favoriserait l’adoption d’un statut spécifique pour les Aroumains des autres pays où ils n’en ont pas un. Un statut forcément sui generis puisqu’il n’y a pas d’Etat et donc de nation aroumaine dont le Aroumains des différents pays seraient des minorités. C’est autour de ce point clef que se cristallisent et achoppent les débats particulièrement houleux opposant ces dernières années les partisans et opposants, toutes tendances confondues, au statut de minorité.
Où est l’Aroumanie ? (1)
Un récent talk-show télévisé portant sur la question a illustré jusqu’au grotesque l’impasse actuelle[12]. En raison du profil des invités, il s’agissait en fait d’une condamnation sans appel des partisans du statut de minorité, à tel point que le présentateur de l’émission a dû en organiser une deuxième pour leur donner la parole. L’intervention la plus applaudie par le public présent sur le plateau, et qui traduit le ton général, a été celle, téléphonique, de Gigi Becali, un personnage sulfureux et haut en couleur du monde des affaires et de la politique roumaine d’origine aroumaine, réputé pour sa grossièreté et son manque d’éducation affiché sans complexe : « La Roumanie est le seul pays qui nous revendique comme ses enfants. Alors la question est : si nous n’avons pas un pays, et si personne nous réclame, pourquoi faire du mal à cette communauté a-, rou-, mac-, aroumaine, roumaine. Si nous ne sommes plus roumains, nous resterons sans mère et père. Si nous disons que nous sommes une minorité nous serons les enfants de personne ! »
Le maître de cérémonie du show fut cependant l’acteur Ion Caramitru, ancien ministre, président de la Société culturelle macédoroumaine et chef de file du courant légitimiste en croisade contre ceux qu’il accuse de trahir leurs aïeuls en s’éloignant de la mère-patrie qu’ils avaient choisie. « Où est l’Aroumanie ? », s’exclama-t-il à un moment donné sur un ton de défi. La réponse fut suggérée, un peu plus tard, par le député Costica Canacheu, le seul « schismatique » invité à l’émission : «Eh, Makidunii… la Macédoine de Philip, d’Alexandre et de leurs successeurs est notre pays ». Si la question, purement rhétorique, illustrait surtout la suffisance de son auteur, peu disposé au dialogue, la réponse trahissait à son tour une certaine gêne qui caractérise les Aroumains confrontés à ce genre de question.
A regarder de plus près, si ces deux positions sont diamétralement opposées, les prémisses et la vision du monde de ceux qui les défendent sont du même ordre : sans pays, c’est-à-dire sans Etat, on ne peut pas exister comme groupe, communauté, peuple à part. Donc, des deux choses l’une : soit les Aroumains s’identifient et adhèrent à tout prix à l’Etat-nation de tutelle (roumain dans ce cas, mais pourquoi pas albanais ou grec pour ce qui est des Aroumains dans ces pays), soit ils se réfugient dans un lointain passé pour justifier d’éventuelles prétentions à se réclamer d’un pays et d’un Etat aussi imaginaires fussent-ils. Or, force est de constater que nombre d’Aroumains sont tombés dans ce piège, y compris parmi ceux qui se sont engagés à la faveur de la restauration des droits d’expression et d’association et dans la foulée du nouveau climat instauré par l’influence grandissante de l’Union européenne et des valeurs qu’elle mettait en avant en matière de droits des minorités. Cette tendance à chercher refuge dans un passé suffisamment lointain pour se prêter à toutes les interprétations, à refaire l’histoire à défaut de la faire, a certes toujours existé mais elle s’est accentué depuis 2005. Les raisons sont nombreuses : la prise de conscience des limites des actions entreprises sur la base du seul volontarisme, l’accumulation des ratés dans les démarches entamées pour la réalisation des objectifs fixés notamment en matière d’enseignement de la langue mais aussi pour obtenir un cadre légal permettant l’essor de la culture aroumaine, l’exaspération provoquée par le refus de l’Etat roumain d’accéder aux demandes qui lui étaient adressées ou encore par les pressions en tout genre exercées par le biais notamment de son organisme représentant les « Roumains de partout », structure fourre-tout destinée à assister les Roumains vivant à l’étranger parmi lesquels on cherchait à intégrer les Aroumains, aux côtés des Roumains de la République de Moldavie et des Vlassi de Serbie et de Bulgarie[13].
Une trouvaille lexicographique déroutante
L’officialisation, en quelque sorte, de cette tendance remonte à 2007, plus précisément à la parution d’une anthologie bilingue de la poésie aroumaine contemporaine en Belgique. Une trouvaille lexicographique plutôt surprenante tant en aroumain et en roumain (makedonarmân) qu’en français « macédonarman » fut mise en circulation en cette occasion. Dans l’introduction, Kira Iorgoveanu-Mantsu, figure emblématique du monde aroumain, elle même poétesse fort appréciée mais pas linguiste, ni historienne, attirait l’attention sur le fait que :
« Le terme aromân (fr. aroumain) a été imposé par la linguistique roumaine du 19e siècle qui voulait démontrer à tout prix que les deux peuples parlant le latin balkanique au nord (les Roumains) et au sud (les Macédonarmans) du Danube constituaient un seul peuple. Ce terme a été repris par la majorité des linguistes et des historiens et s’est imposé comme terme international.
Mais, aujourd’hui, les Macédonarmans ne reconnaissent pas ce terme et souhaitent l’usage du terme macédonarman qui reflète leur identité ethnique et culturelle spécifique et que celui-ci soit imposée comme terme international »[14].
La page de titre comportait la mention « traduit du macédonarman (aroumain) » et c’est ce nouveau ethnonyme et glossonyme qui était repris dans l’introduction et la présentation des auteurs[15]. Ce qui semblait relever du virtuel au départ, allait devenir assez vite une réalité puisque la nouvelle appellation allait vite faire le tour du monde, de Frankfort à Melbourne en passant par Constanta pour se retrouver sur l’en-tête du Conseil des Aroumains, désormais des Macédonarmans (ar. Makedonarmânij), structure ayant vocation à représenter les Aroumains de tous les pays des Balkans.
En effet, la forme aromunen introduite par l’Allemand Gustav Weigand dans le circuit scientifique international à la fin du XIXe siècle était différente de celle désignant en allemand les Roumains (Rumänen), alors qu’en roumain on l’a traduite par aromâni par analogie avec români. Cette forme s’est imposée en roumain et dans les autres langues pour devenir courante de nos jours. Faut-il la remplacer par une autre, « armans » en français, armâni en roumain, et réviser toute la littérature disponible sur le sujet pour réparer une injustice commise par le passé ?
La focalisation sur ce détail peut choquer. Mais, si elle ne concerne guère les Aroumains des autres pays balkaniques dans leurs rapports avec les Grecs, la Albanais ou les Macédonians, elle est en revanche compréhensible dans le contexte roumain en raison de la confusion que peut susciter et entretenir la proximité des mots aroumain et roumain.
Bien des Aroumains ressentent un certain embarras dès lors qu’il s’agit de marquer leur différence avec les Roumains, y compris aux yeux des locuteurs des autres langues. « Comment se fait-il que votre enfant parle si mal, de façon si curieuse en classe le roumain ? » demande l’institutrice à la mère d’un enfant convoquée d’urgence. « Je ne comprends vraiment pas, à la maison nous parlons seulement l’aroumain » répond-elle tout étonnée dans un roumain fort approximatif truffé de mots aroumains. A Slobozia ou à Constanta, cette situation devait être assez fréquente. Elle en dit long sur la confusion entre l’aroumain et le roumain parmi les Aroumains eux-mêmes pour les raisons les plus diverses. A propos du titre de mon livre paru en 2005, on m’a plusieurs fois interrogé sur un ton intrigué : « Aroumains ? Vous voulez dire Roumains ? »
La véritable nouveauté consiste cependant dans l’introduction du terme « macédonien », sous la forme « macédon » (en roumain makedon) dans l’appellation proposée pour désigner les Aroumains et leur langue. En réalité, pour ce qui est de ce terme, nous avons affaire dans les faits à un retour partiel à l’appellation « historique » consacrée (macédoroumain, roum. macedoromân), appellation remise en question puis rejetée en raison justement du rapprochement abusif avec les Roumains. Contrairement à ce qui se passe dans les pays d’où proviennent les Aroumains, où le fait de se dire macédonien n’a pas beaucoup de sens pour un Aroumain, le recours à ce nom n’a rien d’étonnant en Roumanie parce que c’est ainsi que l’on désigne couramment les Aroumains. Le territoire d’où provenaient ceux de Roumanie correspondait grosso modo au territoire des Balkans administré par les Ottomans (la Turquie d’Europe), puis après 1913 par les Etats qui ont pris le relais. Une partie de ce territoire correspondait à la Macédoine « historique », dont la dernière administration autonome remontait à l’Empire romain. L’Epire et la Thessalie étaient les deux autres provinces historiques de ce territoire habité par des Aroumains. Le mot Macédoine, qui bénéficiait de l’aura d’un passé antique glorieux et qui avait marqué l’actualité en raison des conflits qui l’avaient ensanglantée, était cependant sur toutes les lèvres lorsqu’il s’agissait de désigner ce territoire. Aussi, plutôt que de se référer à l’Empire ottoman ou à la Turquie, puis, après les années 1920, à la Bulgarie, à la Serbie, à la Grèce ou à l’Albanie qui venaient de se partager la Turquie d’Europe, les Aroumains disaient venir de Macédoine et, à l’occasion, se présentaient eux-mêmes comme macédoniens ou encore comme makedoni, forme plus proche de l’aroumain qui a fini par s’imposer.
Avec « macédonien » (en roumain macedonean ou encore makedon), nous avons donc affaire à un exonyme d’un type particulier si on le compare aux autres exonymes concernant les Aroumains dans les Balkans, à savoir vlahos, vlassi ou encore tsintsar, tchoban. Deux raisons à cela : il n’a pas de connotation vraiment péjorative en roumain[16] et peut par conséquent être assumé en toute quiétude, d’une part, et, d’autre part, sa circulation en parallèle avec l’ethnonyme armân ne pose pas de problème particulier. En effet, les Roumains connaissent et acceptent l’ethnonyme « aroumain » (c’est vrai, sous la forme aromân et non armân), alors que la grande majorité des Grecs, des Slaves macédoniens, des Albanais ou des Serbes l’ignorent. Ces vingt dernières années, il y a eu des changements dans le comportement des Aroumains dans les Balkans et dans la manière dont ils étaient perçus. En Grèce notamment on a assisté à un retournement étonnant du cliché négatif associé au mot vlachos lorsque des Aroumains de ce pays s’en sont emparé, l’ont mis en avant et assumé publiquement. Mais l’ethnonyme propre aux Aroumains n’a pas gagné le droit de séjour dans l’espace grec pour autant, tandis que la position des Aroumains qui exhibaient fièrement l’exonyme vlachos n’était pas dépourvue d’ambiguïté puisqu’ils participaient volontairement ou pas à la dynamique nationaliste grecque. A Skopje et à Belgrade, il est bon depuis la fin du communisme d’exhiber ses origines tsintsars, en raison du passé commerçant des Aroumains, certains le font avec succès et cela favorise dans un sens l’affirmation des Aroumains mais il est trop tôt pour tirer des conclusions.
Dans un sens, tout en déplorant l’insistance mise sur de tels détails et les complications qui s’ensuivent, on peut estimer que le mot makedon marque mieux l’individualité des Aroumains considérée comme distincte de celle des Roumains de la même façon que armâni distingue plus clairement en roumain les Aroumains des româniqu’aromâni. Ce qui fait problème, c’est la combinaison des deux. Pourquoi ne pas s’en tenir à l’un ou à l’autre, plaider pour l’usage de l’autonyme (aroumain) ou de l’exonyme (macédonien) ?
« Où est l’Aroumanie ? » (2)
En réalité avec Macédonarmans (Makedonarmânji) nous avons affaire à un nouvel ethnonyme politique, au même titre que Macédoroumains, Hellénovalaques, Roumains du Sud et Grecs vlachophones.
Cette construction notifie un phénomène en gestation depuis un bon moment, de plus en plus visible ces vingt dernières années, à savoir la propension d’un nombre significatif d’Aroumains à s’identifier en Roumanie à la fois comme macédoniens et comme aroumains. La double identification qui s’opère ainsi s’accompagne d’une référence de plus en plus insistante à une Macédoine aux contours certes flous qui traduit cependant une aspiration tout aussi confuse que pressante à se rattacher à un territoire que l’on a abandonné, à une histoire autre que celle de la Roumanie, à une patrie en quelque sorte dont on a été privé. Cultiver une telle nostalgie a beau être gratifiant, s’en tenir là c’est courir le risque de se laisser entraîner dans un cercle vicieux quand on n’est pas à même d’apporter des réponses valables à ce type d’aspiration. A quelle Macédoine se réfère-t-on quand on parle et on agit à l’échelle des Balkans au nom du Conseil des Macédonamans ? Comment les Aroumains de Grèce et d’Albanie, ceux issus qui vivent en Epire et en Thessalie vont-ils se reconnaître sous ce nom ? Pour trouver une réponse cohérente à ce genre de question il faut remonter dans le temps, très loin, à Alexandre, à sa maman, à ses exploits, aux Macédoniens dont les Aroumains seraient les descendants. Et pourquoi Alexandre ne serait-il pas grec ou autre chose ? A ce genre de questions les réponses fournies sont tout aussi précises et documentés que les arguments censés prouver qu’Alexandre était aroumain sont contradictoires et purement hypothétiques.
Quels interlocuteurs trouvera-t-on dans les instances européennes si on cherche à relancer des affaires comme l’appellation « macédonien » qui avaient déjà couvert de ridicule les Macédoniens et les Grecs et exaspéré les observateurs. Il y a quelque chose de dérisoire dans les tentatives en cours de faire d’une mythologie moderne qui est parfaitement anachronique et incohérente à souhait une religion nationale sur le modèle des nationalismes balkaniques de la fin du XIXe siècle. L’exercice est peut être passionnant, et présente même quelques vertus compensatoires puisque les projections dans un passé improbable permettent d’oublier un présent plutôt précaire. Il n’est pas tout à fait inoffensif pour autant puisqu’il empêche la recherche de solutions réalistes et l’élaboration de projets viables à court et moyen terme…
Aussi, les tenants du nationalisme en herbe évoqué dans la conclusion de ce livre semblent-ils de plus en plus déterminés ces dernières années à se doter à tout prix de la dimension territoriale qui leur faisait défaut[17]. Le chemin qui reste à parcourir pour y arriver s’annonce long et semé d’embûches. Il serait donc pour le moins hâtif de condamner ou de saluer l’arrivée d’un nouveau nationalisme dans les Balkans.
Sans vouloir porter de jugement sur le présent ni préjuger de l’avenir nous conclurons donc sur ce constat circonspect tout en rappelant notre conviction que, aussi longtemps qu’il y aura des individualités qui se refusent de céder au mirage du monde « comme si » – les Macédoniens d’Alexandre étaient le seul peuple de la région du même nom, les Aroumains leurs seuls descendants et héritiers authentiques, la plupart des grands noms des Balkans étaient des Aroumains déguisés, etc. – et qui sont prêts à se donner les moyens pour faire en sorte que l’« Aroumanie » soit là où il y a des Aroumains en chair et en os, l’utopie esquissée lors du renouveau aroumain des années 1990 demeurera porteuse de sens dans le monde qui vient[18].
[1] Quand on est peu nombreux, comme les Aroumains, on se compte ! Cette postface reprend des propos développés dans deux études publiées après la parution de la première édition du livre : « Les Aroumains en Roumanie depuis 1990 : comment se passer d’une (belle-)mère patrie devenue encombrante » dans la Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 38, n° 4 (décembre 2007), pp. 173-199 et « Unde e Aromânia ? » dans Revista Europa n° 8, Novisad, 2011, pp. 10-15.
[2] Cité par Emil Tîrcovnicu, « Aromânii din Romania, astazi », dans Revista româna de sociologie, anul XXII, n° 1-2, p. 165, Bucarest, 2011.
[3] Pour le compte rendu de ces deux manifestations (qui se sont déroulées, la première en aroumain, mobilisant lors de ses diverses éditions un bon millier de personnes, la seconde, plus solennelle, en roumain, devant quelques dizaines de personnes d’un âge plutôt avancé parmi lesquelles figuraient des anciens ministres et des députés, des professeurs émérites, etc.) et du traitement médiatique auquel elles ont eu droit, voir « La Roumanie : les Aroumains dans le collimateur des médias », Courrier des Balkans, mis en ligne le 7 septembre 2005.
[4] Stoica Lascu, Nistor Bardu, « Aromânii nu sunt minoritari în România ! » (Les Aroumains ne sont pas des minoritaires en Roumanie), Cuget liber, 28 décembre.
[5] Sa communication à l’Académie a été reprise dans le volume Aromânii si aromâna în constiinta contemporana (Les Aroumains et l’aroumain dans la conscience contemporaine), Editura Academiei, Bucarest, 2006, pp. 58-80.
[6] « Contenciosul aromânilor », România literara, n° 5 (1995), p. 2.
[7] A noter que, en évoquant la différence entre les Aroumains « autochtones » et ceux de la diaspora (de Roumanie) et en écartant la dichotomie langue/dialecte à propos des rapports entre le roumain et l’aroumain, M. Caragiu Marioteanu continuait à s’exposer aux accusations contre lesquelles elle n’avait de cesse de s’insurger.
[8] Critiquée à cause des attaques ad hominem proférées qui relevaient parfois de la calomnie, cette prestation ne saurait changer le destin des travaux de son auteur qui demeurent une référence incontournable. « Matilda est une légende pour les Aroumains de Roumanie. Comme tout personnage de légende, elle est une figure énigmatique », pouvait-on lire dans l’avant-propos signé par Alexandru Gica du recueil d’hommages édité par la Société culturelle aroumaine de Bucarest en 2002 : Carti di vrari tra Matilda…, op. cit.
[9] Bara, Mariana (2005). « Criza de identitate sau criza descrierii? » dans Daima, I, 1, pp.10–12.
[10] Stoica Lascu a notamment publié récemment « Evenimentele din iulie august 1917 în regiunea Muntilor Pind : încercare de creare a unei statalitati a aromânilor : documente inedite si marturii : studiu istoriografic si arhivist » dans Revista româna de studii eurasiatice , III, n° 1-2, 2007, pp. 91-162.
[11] Dans Imaginar politic si identitati colective în Dobrogea (Bucarest, 2011), Enache Tusa fournit des données éloquentes sur le sentiment d’appartenance des Aroumains à une communauté distincte dans le Quadrilatère pendant cette période à travers notamment le regard porté sur eux par les autres habitants et l’administration roumaine (pp. 427-485).
[12] Il s’agit de l’émission « Nasul » (le parrain), animée par Radu Moraru, transmise le 11 juillet 2011 sur ZeceTV
[13] Composé d’éléments souvent issus de mouvements nationalistes extrémistes, cet organisme est le fer de lance et le sponsor des actions destinées à concurrencer ou, voire même, à contrecarrer les initiatives issues des milieux aroumains indépendants. Bien que financé par l’Etat, il n’est pas toujours représentatif pour les orientations de ce dernier.
[14] Noi, poetslji a populiloru njits : poemi tu limba makedonarmâna (armâna) = Nous, les poètes des petits peuples : poèmes en macédonarman (aroumain)/Kira Iorgoveanu-Mantsu ; postf. Nicolas Trifon, Charleroi, Belgique : MicRomania, 2007, p. 9.
[15] Ayant moi-même participé à la traduction des poèmes, j’ai dû insister auprès de l’éditeur belge pour que dans la postface la forme « aroumain » ne soit pas remplacée par « macédonarman ».
[16] Les Roumains utilisent ce mot sur un ton plutôt amène (ce sont à leurs yeux des gens qui forcent l’admiration par un comportement déterminé, qui savent se faire respecter et craindre), parfois envieux mais assez rarement péjoratif (Machedon imputit, empesté, entend-on parfois).
[17] D’aucuns estiment avoir trouvé la solution, si l’on croit un certain nombre de signes telle la réaction publiée sur le Net à un article paru dans l’hebdomadaire Dilema veche (n° 470, 21-27 février 2013) sous le titre : « Les Balkans, la patrie des Aroumains ? » « Non, la patrie des Aroumains ne peuvent pas être les Balkans, avec ses environ 550 000 km 2 et une population d’environ 53 millions d’habitants (…) C’est en Macédoine, dont la surface est d’environ 87.500 km2, que s’est formé le peuple aroumain, qui descend des Macédoniens de la même façon que les Roumains descendent des Daces présents dans l’espace nord-danubien. » (http://dilemaveche.ro/sectiune/tema-saptamanii/articol/patria-aromanilor). L’auteur de cette réaction oublie de préciser le nombre d’habitants de ce territoire, le pourcentage des Aroumains qui s’y trouvent et la manière dont ils se prendraient pour en faire leur patrie.
[18] C’est à Françoise Morvan (Le monde comme si : nationalisme et dérive identitaire en Bretagne, Paris, 2002) que l’on doit cet usage particulier de l’expression « comme si » .