Jan 27
TO VIMA; Qui sont les Aroumains et que recherchent-ils par leur propagande: les Hellènes Valaques et « Fara armãneascã »
Le mythe national de « Fara armãneascã », dont le siège se trouve à Bucarest, peut être résumé ainsi : les Aroumains sont les seuls descendants authentiques des Macédoniens de l’Antiquité, qui n’étaient pas grecs. Ceux qui s’autoproclament aujourd’hui en termes de nation Aroumains constituent une partie des descendants des Valaques installés comme colons dans la Dobroudja du Sud [Roumanie] pendant la période 1924-1930.
Par Ioannou Averof
Lire l’article complet dans “Le Courrier des Balkens”.
Fara armãneascã de Roumanie s’est invitée aux Rencontres des Valaques de Grèce les 7-9 juillet 2006 à Iannina, Metsovo et Mila ; dans un document imprimé, elle appelait ses membres à visiter plusieurs beaux sites du Pinde [massif montagneux du nord de la Grèce, considéré comme étant le foyer originel des Aroumains] pendant la période 4-11 juillet.
Environ un mois auparavant, le 23 mai 2006, à l’occasion de la “journée nationale ” des Aroumains, quelque deux mille membres de la Communauté des Aroumains (Valaques) de Roumanie ont demandé leur reconnaissance comme minorité nationale. Fondée en janvier 2004, organisée sous la forme d’une fédération, la “ Communauté des Aroumains ” porte aussi le nom de Fara armãneascã. Son siège est à Bucarest et une inscription bilingue aroumain-roumain figure sur son en-tête. Ses membres sont des citoyens roumains d’origine aroumaine. Parmi les objectifs qui figurent dans son statut citons : (a) la reconnaissance des Aroumains comme ethnie à part, de langue néo-latine (b) le maintien (conservation) de la langue aroumaine, des traditions et des héritages spirituels des Aroumains de Roumanie et des pays des Balkans où vivent des Aroumains, en particulier de leur foyer originel (c) la création de filiales au niveau régional, national et international (d) la mise en place d’un organisme représentatif avec la participation des membres des organisations nationales des pays des Balkans où vivent les Aroumains.
Le mythe national de Fara armãneascã peut être résumé ainsi : “ Les Aroumains sont les seuls descendants authentiques des Macédoniens de l’Antiquité, qui n’étaient pas des Grecs ”. Elle arbore sur son emblème le soleil de Vergina, le symbole de la dynastie macédonienne, parce que l’ethnie aroumaine, qui perdure depuis deux mille ans, est originaire de la Macédoine et de Vergina. L’ ”hymne national ” de l’ ”ethnie aroumaine ” est le poème de l’instituteur roumain Constantin Balamaci intitulé Dimandare pãrinteascã [Recommandation paternelle] écrit en 1888 en roumain et modifié de nos jours en “ langue aroumaine ” pour les besoins de la “ nation ”.
En Grèce, la Société de culture aroumaine (valaque), dont le siège se trouve à Athènes, et des “ activistes aroumains ” isolés se présentent comme les compagnons de route de Fara armãneascã dans la perspective de la “ réalisation de ses objectifs nationaux ”. Qui sont, en réalité, ceux qui se présentent d’un point de vue national comme Aroumains et quelle est leur relation avec la Grèce et avec nous, les Hellènes Valaques ? Il s’agit d’une partie des Valaques roumanisés, provenant de tous les pays balkaniques, qui se sont établis comme colons dans la Dobroudja du Sud pendant la période 1924-1930, à la suite de l’invitation du gouvernement roumain.
Il semble que les Roumains Valaques fidèles à la maison royale de Roumanie ne se sont pas sentis assez à l’aise dans leur mère patrie ou plutôt que les promesses qu’on leur a faites ne se sont pas accomplies. L’arrivée au pouvoir en Roumanie des communistes, adversaires par définition de l’extrême droite roumaine, a joué un rôle décisif dans la relation de nombre d’entre eux avec la mère patrie roumaine. Membres de premier plan ou moins importants mais toujours actifs au sein de la Légion fasciste de l’archange Michel, connue sous le nom de Garde de fer, les descendants des Valaques roumanisés, organisés de manière patriarcale, se sont impliqués intensément dans la vie politique de la mère patrie roumaine.
Aujourd’hui, le noyau idéologique et politique de la renaissance nationale postmoderne aroumaine est formé par les réseaux constitués autour des vieux Valaques roumanisés, ces extrémistes de droite de la Garde de fer qui ont quitté la Roumanie après la Seconde Guerre mondiale pour se réfugier en Europe occidentale et en Amérique.
Incontestablement, la renaissance de la nation “ aroumaine ” en Roumanie et dans l’ancienne république yougoslave de Macédoine peut être envisagée dans le cadre de la perception moderne de l’autodétermination de l’ethnie et des droits de l’homme. Et c’est sous cette lumière qu’elle est présentée par ses promoteurs.
A l’instar de tous les nationalismes, la mythologie “ aroumaine moderne ” formule une théorie homogène afin de légaliser (justifier) des objectifs nationaux et politiques. Les nombreux documents officiels de Fara armãneascã en témoignent. La propagation d’une conscience nationale aroumaine parmi une partie des Aroumains de Grèce et des autres pays des Balkans est son principal but. Tout cela pourrait faire rire, à première vue. Mais la situation est plus grave, parce que le nationalisme aroumain contribue au raidissement de l’atmosphère dans les Balkans. Il suffit que quelqu’un présente les Aroumains de Grèce comme étant menacés de disparition, victimes d’un pogrome. Inutile de rappeler que sur le plan international on arrive, par association d’idées, à ce genre de conclusion. Il est clair que la propagande nationale aroumaine et la propagande roumaine constituent depuis la chute du communisme des sous-produits parallèles qui procèdent de la conviction que l’histoire, l’étude de la langue et de l’homme sont au service des politiciens et que l’on peut par conséquent les utiliser comme on veut. Ces théories ne peuvent pas être interprétées et comprises à un niveau aussi bas que celui des rapports sociaux archaïques et des relations personnelles que la nationaliste Fara armãneascã entend illustrer. Autoproclamée aroumaine dans l’acception nationale du terme, cette association a un programme politique clair. Conformément à ses déclarations, elle veut répandre l’idée nationale, établir un système permettant l’essor de la “ langue valaque ”, ce qui aurait pour conséquence l’harmonisation, l’homogénéisation et la disparition des dialectes à travers la création d’ ”entités autonomes culturelles et politiques aroumaines à l’échelle de la région ”. En procédant ainsi, elle veut éviter le piège politique. L’examen à froid de la situation permettrait de dire qu’il s’agit d’une tentative d’utiliser le syndrome de la peur. Mais chez nous on préfère souvent le mythe, qui est souvent ensorcelant et flatteur, alors que la connaissance et l’autoconnaissance sont souvent douloureuses.
Particulariste et minoritaire, le nationalisme aroumain construit une mythologie du passé pour la transformer en outil politique et moyen de propagande. Le nationalisme aroumain fonctionne comme un système de désinformation parce qu’il déforme, sur le plan théorique, la détermination de la tradition et de la civilisation aroumaines dans leur ensemble. Tant le travestissement du passé historique et que la désinformation au sujet des problèmes aroumains actuels sont les principales caractéristiques du discours nationaliste aroumain. C’est ainsi que l’on cherche par exemple à présenter l’action de la propagande roumaine et l’existence d’institution minoritaires roumaines (1860-1945) comme une action du mouvement national aroumain. De même, la Recommandation 1333/1997 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe concernant la langue et la civilisation des Aroumains, proposée par le député nationaliste catalan De Puig, recommandation qui n’a pas caractère d’obligation, se présente techniquement comme une reconnaissance de l’ethnie aroumaine, ce qui n’est pas valable.
La visite rendue par Fara armãneascã de Roumanie aux Rencontres valaques (de Grèce) s’inscrit dans sa tentative de renforcer ses liens avec les Aroumains de partout, dans le cadre de son combat pour la reconnaissance de leurs droits nationaux. Ce même régime est revendiqué par Fara armãneascã tant en Roumanie que pour les différentes populations aroumaines des Balkans, sans que qui que ce soit lui ait demandé quoi que ce soit à ce propos.
Pour ce qui est de l’Union panhellénique des associations culturelles valaques et d’autres forums valaques, les déclarations sur la grécité des Valaques de Grèce ne sont pas suffisantes.
Il faudra que l’on comprenne que l’“ origine ” n’a pas déterminé l’évolution historique des Valaques mais que, bien au contraire, cette évolution a donné naissance à la problématique portant sur leur origine. Il faudra clarifier le cadre des rapports visibles ou cachées entre les associations valaques et celles se présentant en termes nationaux comme aroumaines à l’étranger. Parce que ceux qui se considèrent comme des Aroumains en dehors des frontières de la Grèce ne s’engagent pas comme étant également des Grecs. Les intitulés des associations nationales aroumaines dans les pays voisins et leurs actions le prouvent.
Pour des raisons que nous ne pouvons pas analyser ici dans le détail, les membres de Fara armãneascã perçoivent différemment leur passé (historique) et s’autodéterminent en conséquence. Mais la différence essentielle est qu’ils ne s’en tiennent pas là. Fara armãneascã a des objectifs politiques précis et utilise tous les moyens disponibles pour prouver l’existence d’un sentiment national aroumain, récemment découvert et historiquement non fondé. Etant donné que cela ne tient pas debout en Grèce, on cultive l’idéologie de provincial aroumain valaque injustement traité contre le quel tout le monde complote, surtout nous les Grecs valaques.
Pour prouver la sincérité de ses intentions si peu sincères, Fara armãneascã invoque l’origine commune des villages métropolitains des Valaques de Grèce. Par le biais de sa section d’Athènes et des activistes aroumains, elle intervient dans les actions culturelles des Valaques de Grèce et formule des revendications. Elle se fait inviter et marque sa présence à chaque manifestation collective valaque.
Heureusement, les possibilités de communications sont de nos jours nombreuses et variées. L’événement que représentent les Rencontres valaques, de même que la présence des « autres », des différents, de ces visiteurs des sites du Pinde, ne devraient pas nous déranger. Et ceci non seulement parce que l’hospitalité est une tradition grecque.
Espérons que le contact avec notre réalité les aidera à comprendre à quel point le monde valaque est différent de celui présenté par la propagande nationale aroumaine. C’est une excellente occasion pour eux de voir et de réaliser la véritable différence entre nous les Grecs valaques et eux les Aroumains se présentant comme nation. La question est de savoir dans quelle mesure le comportement et les objectifs politiques de Fara armãneascã et de sa section sur le territoire grec le permettent, dans quelle mesure ils peuvent conduire à un respect mutuel. C’est un souhait qui ne se réalisera pas de sitôt, puisque dans l’immédiat telles ne sont pas leurs intentions.
Leurs récentes proclamations, les métamorphoses de leur idéologie en fonction des comportements et des priorités de leurs patrons politiques, présentent l’Aroumain “ national ” comme un caméléon des Balkans. Cette vision des choses est étayée par le fait que de nombreux Aroumains de Roumanie ne sont pas d’accord avec la politique de Fara armãneascã et que ses membres changent souvent de camp. Le président de l’association aroumaine de Dobroudja Le pasteur du Pinde, dont le siège est à Constanta, déclare : « En Roumanie, les Aroumains ne sont pas une minorité. Ils étaient, ils sont et seront Roumains. Ils sont certes originaires des Balkans. Le nom Fara armãneascã est en réalité de l’emballage d’une organisation non gouvernementale qui a réussi à obtenir d’importantes subventions économiques. ” Ce point de vue est partagé également par la classe politique roumaine qui estime que l’intérêt manifesté par la Roumanie pour les communautés roumaines, valaques, aroumaines vivant dans les pays voisins et dans les Balkans découle de la parenté et des liens culturels, linguistiques et religieux avec elles. Pour cette raison, le ministère des Affaires étrangères aide ces communautés au maintien de leur identité nationale de langue et de culture en soutenant les programmes concernant la langue roumaine, les écoles roumaines, les médias et l’office religieux dans la langue maternelle, la conservation et l’enrichissement de l’héritage culturel roumain. Chacun d’entre nous se rend compte que tout cela n’a aucun rapport avec notre réalité, celle des Valaques de Grèce. Pour nous qui avons élevé nos enfants et élevons nos petits-enfants dans les âtres ancestraux des Valaques, la priorité va à l’agonie du bûcheron, de l’éleveur de bétail, du fromager, de la tisseuse qui donnent la vie à nos lieux et aux traditions locales. Les vues nationales et politiques de Fara armãneascã et les spéculations économiques de ceux qui se disent intéressés par les Aroumains grecs et étroitement liés à eux n’ont pas à intervenir dans le débat portant sur la manière d’illustrer notre riche héritage. Pour ce qui est des Rencontres annuelles organisées par l’Union panhellénique, il est grand temps de trouver également d’autres modalités de manifestation. Pour plusieurs raisons. Premièrement, pour que son caractère culturel soit garanti. Deuxièmement, parce que le traitement superficiel du problème culturel valaque n’est pas admissible à notre époque moderne, puisqu’il alimente l’exploitation politique de la question par certains Valaques ou à des fins électorales au niveau local. Notre héritage culturel valaque est étroitement lié à plusieurs époques différentes. Sa connaissance ne saurait se limiter aux spectacles folkloriques et musicaux. Dans cette perspective, il va de soi qu’il n’y a pas de place pour des aventures et on ne peut pas accepter les logiques et les stratégies personnelles.
Mise en ligne : jeudi 21 septembre 2006 – Traduit par Mélanie Paligora